Ne taxons que le foncier, pas les mètres carrés ni les équipements
Face à la crise du logement, il est plus juste et efficace d’imposer la valeur du terrain plutôt que de pénaliser l’habitat ou ses aménagements.
Introduction
La crise du logement appelle des réponses fiscales claires. Plutôt que d’alourdir les prélèvements sur les mètres carrés ou sur l’équipement des logements, une piste mérite d’être explorée : cibler la valeur foncière. Taxer le terrain revient à faire contribuer ceux qui profitent directement des politiques d’aménagement et de localisation.
Cette approche permettrait d’éviter des effets pervers qui pénalisent la rénovation et la construction, et qui, en creux, aggravent la rareté de l’offre.
Pourquoi taxer le foncier plutôt que le bâti ?
Un bien immobile, une ressource fixe. Le foncier est par définition limité : la quantité de terrain sur un territoire ne varie pas. Taxer cette rareté a un effet neutre sur l’offre, contrairement aux prélèvements qui frappent l’activité ou la construction.
La plus-value foncière tient souvent à des facteurs publics (transports, services, aménagements). Il paraît donc juste que la collectivité partage une part du gain créé par ces investissements.
Effet redistributif et incitation
En ciblant la valeur du terrain, on peut limiter la spéculation et encourager une utilisation plus productive des parcelles vacantes ou sous-exploitées, sans désinciter à bâtir ou à améliorer un logement.
Les limites et incohérences des impôts actuels
Aujourd’hui, les mécanismes de calcul de certains impôts immobiliers intègrent des éléments surprenants : équipements, sanitaires, ascenseurs ou tapis d’escalier peuvent alourdir l’assiette. Conséquence : améliorer un logement peut accroître la fiscalité, une logique contre-productive quand l’objectif est d’augmenter l’offre et la qualité.
Les droits de mutation (frais d’enregistrement) constituent un frein à la fluidité du marché. Leur hausse augmente le coût des transactions et pèse sur la mobilité, ce qui limite la rotation des logements et bride l’offre disponible.
Exemples d’effets pervers
- La rénovation se voit taxée indirectement, ce qui peut décourager les propriétaires.
- Les acheteurs paient des frais qui rendent les opérations plus onéreuses et ralentissent les ventes.
Une voie de réforme : principes et mesures
Une réforme cohérente pourrait reposer sur deux axes : alléger ou supprimer certains prélèvements sur les transactions et recentrer l’imposition sur la valeur foncière.
Mesures concrètes possibles :
- Réduire voire supprimer les droits de mutation pour diminuer le coût d’achat et fluidifier le marché.
- Exonérer de prélèvements les mètres carrés strictement habitables, pour ne pas dissuader la production de surface utile.
- Instaurer une taxation progressive du foncier, modulée selon l’usage, la vacance et la valeur locale.
Ces pistes doivent s’accompagner de garanties sociales : protéger les locataires vulnérables et prévoir des dispositifs d’accompagnement pour les collectivités qui perdraient une part de recettes à court terme.
Conclusion et référence à la source
En plaçant l’effort fiscal sur la valeur du terrain plutôt que sur les logements et leurs équipements, on réduit les distorsions qui freinent la construction et la rénovation. L’objectif est double : rendre la fiscalité plus équitable et faciliter l’augmentation de l’offre pour apaiser la crise du logement.
Tribune initialement publiée dans Le Monde (rubrique Débats - Crise du logement).
FAQ
- Pourquoi taxer le foncier plutôt que le bâti ?
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Le foncier est une ressource fixe et sa valeur provient souvent d’actions publiques : le taxer évite de pénaliser la construction et vise la rente liée à l’emplacement.
- La suppression des droits de mutation ne va-t-elle pas réduire les recettes publiques ?
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À court terme certaines recettes peuvent baisser, mais la fluidification du marché et la hausse d’offres peuvent compenser sur le moyen terme si la réforme est pensée avec des mécanismes de péréquation.
- Exonérer les mètres carrés habitables ne favorisera-t-il pas la spéculation ?
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L’exonération vise à encourager la production de surface utile ; une taxation ciblée du foncier (vacance, foncier non utilisé) permettrait de limiter la spéculation.
- Quelles protections pour les ménages modestes ?
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La réforme doit inclure des mesures de protection : plafonds, abattements ciblés, aides locatives et transfert de recettes vers les politiques sociales locales.